Mollir ou grandir, il va falloir choisir

Bruno Jean
5 min readDec 22, 2019

Mon dada du moment, ce sont les civilisations qui ont fait l’Histoire. Celles qu’on connait bien : les Romains, les Grecs, etc. mais aussi d’autres moins connues comme les Mongols, les Vikings, l’empire Chinois, l’empire Musulman, etc. J’ai déjà eu l’occasion de revenir sur notre tropisme occidental qui nous laisse ignorants des grandes épopées de ces nations, dont de nombreuses furent comparables voire plus grandes à la nôtre. [95% des gens qui lisent ces lignes viennent de se dire “boaaaah quand même, qu’est que c’est que cette histoire ?” => à lire ici au besoin]

Au fil de ces recherches, on (re)met le doigt sur une réalité “oubliée” du 21e siècle : le monde a été fait de conquête. Que ce soient les Mongols qui, partis des steps caucasiennes, ont formé le plus vaste empire que le monde ait connu, ou plus proche de nous les colons européens — Espagnols, Portugais, Britanniques, Français — qui ont formé de vastes empires sur tous les continents ; les Hommes ont passé le plus clair de leur temps ces derniers millénaires à se battre ou se défendre.

Ces entreprises de conquêtes ont été aux premiers temps été très pragmatiques et matérialistes ; d’abord par la conquête du territoire voisin ; plus riche, avec de meilleurs pâturages. Plus tard en pillant ce même voisin que la sédentarisation avait poussé à stocker toutes sortes de richesses. Plus tard encore en annexant ce voisin et le soumettant à l’impôt.

Puis sont venus les combats plus idéologiques, comme les croisades du 12 et 13e siècle, ou de la christianisation de l’Amérique latine. Dans les 2 cas il faut bien dire, la religion s’accompagnait d’enjeux économiques (les monceaux d’or et d’argent des aztèques) ou géopolitiques (stopper l’expansion fulgurante de l’empire musulman aux portes de l’Europe)

Ainsi depuis qu’il trône au sommet de la chaîne alimentaire, l’Homme a fait deux choses: 1/ il a conquis des territoires : qu’ils soient vierges, habités par d’autres espèces animales ou végétales, ou par des comparses humains 2/ A défaut, il a défendu le sien, avec les possibilités bien réelles d’être tué ou soumis.

Cet état de menace permanent a perduré jusqu’à très récemment avec les conflits mondiaux marquants du XXe siècle ; pour être ensuite spectaculairement jugulé dans la 2e partie du XXe siècle, par la création d’une organisation des Nations Unies.

Il y a donc eu une évolution majeure dans la façon dont un individu pouvait envisager son existence : auparavant faite d’incertitude, de conscription militaire, et d’une possibilité bien réelle de devoir aller défendre son pays au péril de sa vie (20M de mort durant la 1ère guerre mondiale, 50M durant la seconde). Cette menace est devenue pour ainsi dire inexistante.

Au milieu des conséquences heureuses que cela a apporté, il y en a une moins souhaitable : nous nous sommes ramollis : pour la première fois depuis des milliers de générations, nous n’avons plus besoin de vivre avec l’idée que nous mourrons peut-être (certainement?) lors d’un conflit. Et avec cette menace, le réflexe de préparation à l’affrontement s’en est allé lui aussi.

Nous privilégions aujourd’hui la résolution pacifiste et bureaucratique des conflits — ce qui est évidemment une bonne chose ; on “attaque” en échafaudant des traités économiques, et l’on se “défend” en votant des sanctions économiques.

Tout bien considéré, il semble bien néanmoins nous soyons devenu un peuple relativement pleutre : des décennies d’absence de conflit, de pacifisme, de bureaucratie, nous ont rendu incapables de revêtir une posture dissuasive réellement convaincante. Aussi bien au niveau international, où la France a abandonné le terrain aux gros bras Américains, Russes, Chinois, Coréens, Iraniens, etc. Tout autant au niveau individuel : le quidam Français n’étant pas exactement connu pour son “fighting spirit” (si ce n’est peut-être le conflit social, une forme imagée de conflit), mais plutôt pour son verbe haut et son attachement aux institutions.

La raison pour laquelle cette situation est problématique est double : 1/ nous devenons inertes et passifs devant des d’agressions qui, si elles ne sont pas violentes, n’en sont pas moins une attaque frontale aux fondations de notre société (sociales, culturelles, religieuses) et 2/nous ne savons plus comment positionner la défense de ces fondations, constamment en proie à un “complexe de la culture dominante”.

Oui mais voilà : La France de ces 20 dernières années n’a pas exactement brillé par une vigueur étourdissante, et aurait bien besoin d’un nouvel élan pour recréer des conditions de développement et de prospérité. A cette fin, nous aurons besoin de revitaliser les fondations qui ont donné à notre pays ses plus belles réussites. De mon point de vue on parle là de la renaissance, la révolution française, le siècle des lumières et la belle époque. Ce sont à ces périodes que la nation Française a bâti une singularité qui l’a démarqué durablement des autres nations, mais rien n’est éternel…

Le sujet du nationalisme est toujours un chemin vu comme glissant — et il l’est certainement. En tant que pays désormais “de second plan” (terme volontairement rugueux, mais néanmoins juste — l’acceptation est primordiale) , il me semble que nous pouvons maintenant nous autoriser à une réflexion sur l’essence de notre nation, à la recherche de revitaliser les piliers qui nous ont porté par le passé ?

Certains pays n’hésitent pas à afficher un nationalisme marqué et une tolérance limitée vis-à-vis des autres cultures ; nous raillons alors volontiers leur étroitesse d’esprit. Mais il s’agit encore une fois de ne pas confondre progressisme dans la pensée et couardise de défendre la sienne.

Enfin ce n’est pas non plus un sujet d’orientation politique — de gauche ou de droite ; on peut avoir de l’empathie pour les moins fortunés, on peut vouloir sincèrement être une terre d’asile, tout en imposant — fermement si nécessaire — un cadre de respect pour celui qui accueille.

Je regrette qu’en France on ne trouve pas le bon niveau de discours entre empathie et fermeté, entre droits de l’Homme et respect de l’autre, entre fierté des valeurs et musellement fébrile. On tombe nécessairement dans une caricature ou une autre : Chevènementiste, Le Peniste, ou à l’inverse des béni-oui-oui qui se refusent à ce débat, se drapant dans leur vertu offensée. Aux États-Unis Républicains et Démocrates s’écharpent sur beaucoup de sujets, mais quand il en va de la défense des valeurs américaines, pas une tête ne dépasse : et ça leur a pas trop mal réussi…

Nos valeurs sont ce qui nous ont donné notre prospérité ; ne nous asseyons pas dessus — par passivité, ou pire par lâcheté. Il est vrai que de nombreux peuples sont moins chanceux que nous, et attendent impatiemment leur chance de prendre notre place.

Une dernière précision quand même; si le champ lexical est guerrier, je n’appelle évidemment pas une révolte armée (trop couard que je suis pourrait-on ajouter..) — les “combats” dont je parle sont le plus souvent banals et symboliques ; ils n’en sont pas moins les marqueurs d’une ligne de conduite.

En substance : n’ayons pas honte de reconnaître et porter haut nos valeurs — C’est la grande force des Etats qui gouvernent ce Monde. Ne confondons pas acceptation de l’autre avec l’abandon de soi. Ne confondons pas ouverture d’esprit avec abandon de ses opinions. Ne confondons pas pacifisme et couardise. Sinon nous deviendrons effectivement un pays de second plan- sans les guillemets

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Bruno Jean

Former Consultant — Interested in Tech, Circular economy, Travel, Retail & Food